Partager la publication "Mon retour d’expérience de superviseur praticien"
Mon intention à travers cet article est de partager mon approche de la supervision d’accompagnements en individuel et en collectif auprès d’équipes, mes pratiques, et certaines de mes réflexions sur le métier de superviseur issues mon expérience.
De quoi se nourrit la légitimité du superviseur ?
La supervision est une activité entre professionnels de l’accompagnement dans les organisations. Les coachs supervisés, bien qu’également professionnels de l’accompagnement, reconnaissent, au moins implicitement, à leur superviseur une certaine légitimité, du fait de leur expérience, leur parcours, leur approche, leur recul, leur personnalités, une capacité à les aider dans les difficultés qu’ils peuvent rencontrer dans l’accompagnement de leur client.
En m’inspirant de la définition de l’EMCC, je définis la supervision comme un espace d’échanges sécurisants entre un superviseur et un ou plusieurs coach(s).Cet espace a pour finalité de faire respecter la pratique des « normes » du coaching, de soutenir le développement professionnel et le bien-être des coachs, d’assurer la pertinence et l’efficacité du travail auprès du client final.
Quand la question de la supervision a commencé à naître en moi en 2011, j’étais coach depuis 6 ans. J’enseignais déjà le coaching au sein d’une école depuis plusieurs années. C’était déjà une façon de transmettre ce savoir qui m’est cher, mais de façon plus didactique en tant que formateur. Il me semblait à l’époque, judicieux et nécessaire d’accumuler davantage d’expérience avant de devenir superviseur. Deux ans après je me lançais. Avec le recul je dirais que c’est indispensable.
Être superviseur suppose selon moi, d’avoir acquis une certaine maturité dans la conduite de coachings, dans des contextes variés et aussi à différents niveaux au sein des organisations. Au-delà du métier de coach, le parcours professionnel de chacun est un précieux atout. Pour ma part, j’ai exercé pendant 20 ans dans des grands groupes internationaux en tant que manager puis comme dirigeant. Je dirigeais un réseau de 650 agents généraux d’assurance, j’étais à la tête d’une équipe de 50 personnes aux métiers très variés entre 1998 et 2004.J’ai vécu comme dirigeant plus d’une demi-douzaine de fusions et de contextes de transformations majeures. Cette expérience me permet aujourd’hui, notamment lors des coachings de dirigeants, d’accueillir encore plus légitimement, ce que peut vivre le client du coach supervisé. Bien que chaque situation, chaque contexte soit spécifique, je peux assez bien m’imaginer ce que provoquent comme perturbations, du haut en bas de la structure, les changements majeurs telles que les fusions de sociétés et les rapprochements d’entité. Le travail de supervision ressemble davantage à une posture de coaching avec le coach, qu’à une posture de formateur, même si quelques apports didactiques peuvent avoir leur place dans cet espace. Quelques soient les années d’expérience, ce travail demeure exigeant. Mon expérience s’appuie sur plus de 18 années d’expérience, au travers de plus de 300 coachings individuels et de plus d’une cinquantaine de coachings d’équipe.
La supervision, une observation à plusieurs niveaux
Je porte une attention particulière au cadre posé par le coach avec son client en prenant en compte la pratique et le style du coach : Quelle est sa façon de travailler ? Quel est le contrat d’affaire qu’il a signé ? Comment veille-t-il au respect de la déontologie ?
Je suis aussi particulièrement vigilant à ce qui se produit dans les interactions entre la personne supervisée et ses clients qui, par expérience, peut-être une zone aveugle pour le coach. Je voudrais pointer ici précisément les aspects émotionnels, car ils peuvent parfois perturber la relation de coaching et entamer la lucidité du coach dans son accompagnement. Lorsque je ressens, et constate que le coach est fortement bouleversé, inhibé, chahuté par le contexte qu’il vit avec son client, je commence par l’aider à déposer cela en l’écoutant. Lui laisser un espace pour exprimer ce qui se passe pour lui sur le plan émotionnel, est un préalable nécessaire à une prise de recul pour une analyse davantage cognitive.
Je me tiens en permanence en veille, car la supervision m’oblige à opérer en termes de recherche : je continue à engranger de l’expérience, j’apprends en revisitant les différentes approches, les grilles de lecture, les forces et les limites de chacun des modèles, j’affine les modalités d’accompagnement, etc. Je suis en constante évolution, ma pratique de la supervision n’est pas figée. Superviser des problématiques variées avec des coachs aux profils et parcours différents, me fait encore découvrir aujourd’hui des subtilités de modèles que je croyais pourtant maîtriser et me renforce dans l’idée que chaque accompagnement est singulier.
Intégrer des référentiels variés en supervision
Avoir des référents théoriques différents est riche voire indispensable selon moi, mais demande un certain courage. Chaque approche a ses limites mais il est troublant d’observer que les courants de pensées, les écoles de coaching, sont parfois hermétiques à la diversité des approches. La pensée plurielle est parfois considérée comme une pensée hérétique. Pour ma part je lui trouve les bénéfices de la « complexité », difficile mais efficace. En paraphrasant Abraham Maslow, si le seul outil que vous avez est un marteau, vous verrez tout problème de vos coachs en supervision comme un clou.
Au-delà de la théorie, c’est la pratique d’accompagnement qui évolue au fil de l’expérience accumulée : la durée des séances, la façon de questionner, l’évolution du monde de l’entreprise, l’évolution de la vision du sens du travail selon les générations, etc. Tout cela me confirme qu’il est précieux de continuer à pratiquer le coaching en tant que superviseur pour se nourrir de ces évolutions, qui impactent le travail de coaching des coachs ; c’est ce que j’appelle être superviseur praticien.
Il y a une véritable résonnance entre ces deux métiers, différents, mais qui se nourrissent l’un de l’autre. Lorsque j’accompagne des coachs dans la sécurisation de leur pratique, je connais la pression qu’ils peuvent parfois subir dans des organisations complexes avec des clients, des dirigeants, qui eux-mêmes sont sous de multiples contraintes voire sous des injonctions paradoxales parfois paralysantes. En tant que praticien du coaching et en tant que superviseur, je suis bien évidemment en vigilance avec les problématiques de déontologie. Je ne parle pas ici de l’obligation d’adhérer à une déontologie et de la présenter à ses clients, mais de la pratiquer dans les situations qui ne manquent pas de s’offrir à nous coachs. Le respect de la déontologie, qui est l’honneur de notre métier de coach est un point de vigilance constant du travail de supervision.
François Lantzenberg