Partager la publication "Utiliser la T.O.B. en coaching de dirigeant et d’équipe pour identifier des pistes de développement à partir de l’analyse de dysfonctionnements."
²Dans cet article, je souhaite vous relater comment l’utilisation de la Théorie Organisationnelle de Berne, peut vous permettre d’analyser les dysfonctionnements du mode de fonctionnement d’une équipe et de co-construire des pistes de travail avec le dirigeant et ses collaborateurs afin d’y remédier.
Le dispositif
Mon intervention porte sur l’accompagnement d’une équipe en charge des systèmes d’information d’une grande entreprise industrielle, auprès de sa directrice et les membres de son comité de direction : 6 personnes, dont la moitié de l’effectif ayant moins d’un an d’ancienneté au sein de cette instance. La demande initiale visait à accompagner la dirigeante, dans sa prise de fonction mais également d’améliorer la contribution de son comité de direction et de développer la connaissance réciproque des membres du codir. J’ai alterné des séquences de coaching individuel et des séances d’accompagnement du comité de direction ainsi que de l’ensemble des équipes du département au travers de 3 séminaires, avec l’appui d’une collègue.
Le contexte
J’ai été contacté par cette directrice dans le cadre de sa prise de poste dans sa nouvelle entreprise. Les premiers éléments de l’analyse de la demande font apparaître que c’est, pour elle, une première expérience en tant que dirigeante. A ses yeux, la culture de la nouvelle entreprise, notamment les méthodes de travail (« archaïque »), le rythme de travail (« plus lent »), le rapport des personnes quant à leur capacité à prendre des responsabilités (« faible ») semblent très différents de sa précédente société.
L’analyse de la demande m’a amené à questionner les membres du codir sur leur façon de travailler avec la directrice. Ils étaient une majorité à se plaindre de son intervention directement auprès de leurs collaborateurs en les « squeezant ». De son côté, la directrice explique que cela lui permet d’accélérer le travail car elle connait bien le travail de chacun pour l’avoir exercé préalablement et qu’en outre elle connaît bien certains informaticiens, avec qui elle a déjà travaillé par le passé.
Les chefs de projet (N-2 de la directrice) sont flattés d’être contactés directement par elle, et en même temps, se plaignent d’avoir trop de pression et que les demandes qui leurs sont faites ne sont pas de leur niveau de responsabilité. La directrice subit elle-même une très forte pression de la part de son environnement : les membres du comité exécutif n’apprécient pas, par exemple, que les audits informatiques remettent en cause leurs pratiques, la direction internationale de l’informatique considère, quant à elle, que la direction Informatique France n’est pas à la hauteur de ses attentes en termes de respect des normes. La directrice se plaint d’être obligée, en permanence, de tirer tout le monde et que rien n’avance assez vite, que chacun travaille en silo, sans transversalité. Elle se sent obligée de recevoir directement les membres de l’équipe, qui se sentant mal soutenus par leur manager ; sous la trop grande pression de la part de la directrice, certains quittent la société ou se plaignent à la DRH de leur situation.
Eléments d’analyse
Ces quelques illustrations mettent en lumière l’impact de la « gestion des frontières » sur le mode de fonctionnement d’un groupe, notion que la TOB permet d’analyser et pour laquelle elle propose des options d’intervention pour le leader de la structure. L’enjeu de la « gestion des frontières » m’apparaît ici comme un axe de travail pertinent à proposer à la dirigeante.
L’environnement de la direction informatique exerce une très forte pression sur la « frontière externe » (séparant de la direction informatique de son environnement). L’enjeu pour la directrice est de pouvoir contrer la déstabilisation que subie sa direction des systèmes d’information, par la pression exercée par l’environnement (la direction informatique internationale, les membres du Comex, les utilisateurs des directions opérationnelles etc.) sur sa frontières externe ; c’est-à-dire protéger son équipe et donc en conséquence ses managers et elle-même des violents reproches adressés, notamment par les membres du Comex, les directions opérationnelles ainsi que la direction Informatique Internationale, sur la piètre qualité des développements effectués, la lenteur des livraisons ainsi que la mauvaise communication des équipes informatiques vers les membres du Comex, sur le respect des nouvelles normes méthodologiques exigées par le groupe…
Dans un premier temps, un travail de réflexion avec la directrice pour faire face à la crise, l’amène à prendre conscience de la nécessité de « fermer la frontière externe », en mettant en place un dispositif, avec l’aide de ses adjoints, de vérification de la pertinence et de la solidité des dossiers, de la pertinence des plannings avant de les présenter au Comex ; d’instaurer de nouvelles modalités de circulation de l’information avec l’environnement externe. Notamment imposer un point d’entrée unique des demandes, des réclamations afin de limiter les « intrusions » de l’environnement vers les équipes informatiques qui, effrayés, déstabilisée s’attaquent à la directrice par des reproches virulents transmis via la DRH ou quittent la société.
Dans un deuxième temps, l’accompagnement vise à aider la directrice à protéger la « frontière majeure interne ». Celle-ci sépare le pouvoir qu’elle exerce, mais aussi celui des membres de son codir (ses N-1), des membres des différentes équipes informatiques. L’intention est d’inviter à respecter la ligne hiérarchique : accompagner la directrice afin qu’elle arrête de s’adresser directement aux équipes informatiques (développeurs, auditeurs etc. (N-2) et qu’elle se repose davantage sur collaborateurs directs, les membres de son Codir. La fermeture de sa « frontière majeure interne », en s’appuyant sur ses adjoints et son « appareil » (les assistantes, le service support de planification), vise à protéger son autorité de l’ensemble des mécontentements et tentatives de déstabilisation que les collaborateurs manifestent en réponse aux changements très (trop?) rapides qu’elle apporte aux modes de fonctionnement de sa direction. La nouvelle directrice aurait avantage à consolider les modes de fonctionnement et dégager du temps afin de pouvoir se focaliser son attention sur son environnement externe et la gestion de la frontière externe (celle-ci n’étant pas délégable). Les « attaques » sur sa « frontière externe » risquent de déstabiliser l’ensemble de son équipe et par effet de ricochet toucher sa légitimité en tant que dirigeante nouvellement arrivée.
Un troisième axe de travail a ensuite visé à assouplir les « frontières mineures internes » (qui séparent les périmètres des adjoints de la directrice), en proposant par exemple des missions transversales ses adjoints directs (par exemple : le responsable Etude, le responsable Méthodologie), ou au niveau N-2 (chefs de projet/ développeur) appartenant à des périmètres différents. Ceci a nécessité de favoriser la connaissance réciproque (« différenciation de l’imago ») des N-1 afin de contribuer à construire la confiance.
La capacité de « fermer ou d’ouvrir les frontières » par un dirigeant et qu’il soit suivi par les membres de son équipe pose la question du « leadership effectif », c’est dire de l’autorité managériale, autre sujet que la T.O.B. nous permet de décrypter au travers des différents types de leadership ; sujet que nous aborderons dans un prochain article.
Les résultats …
L’attention portée par la directrice à sa « frontière externe » lui a permis, en quelques mois de mieux maîtriser les entrées et sorties de sa direction. A titre d’exemple, elle a exigé que ses adjoints valident les plannings de livraison des développements avant de les diffuser elle-même. L’attention portée par la directrice à sa « frontière externe » lui a permis, en quelques mois, de mieux maîtriser les entrées et sorties de sa direction. A titre d’exemples :
1) elle a demandé à ses adjoints qu’ils valident les plannings de livraison des développements avant de les diffuser elle-même. 2) La validation des cahiers des charges de développement passait systématiquement par un comité interne qu’elle pilotait.
La mise en place de ces règles transitoires a permis de faire baisser la tension et de diminuer la peur ressentie par les équipes, et ainsi stopper « la planche à secousse » qui entamait l’autorité et la légitimité de la directrice. Les effets portent également sur un ralentissement du rythme des changements demandés par la directrice qui, visiblement, est en décalage avec la culture de l’entreprise qu’elle venait de rejoindre. Une fois la sérénité retrouvée, il est vraisemblable qu’un mode de fonctionnement plus souple, moins centralisé avec notamment une » frontière externe » moins étanche devra être mise en place pour une plus grande efficience de l’organisation. Ce qui posera, la question pour le leader responsable d’être suivi par les membres de son équipe dans ses changements d’orientation …